[Analyse] Parcoursup : Pourquoi un tel choc
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Parcoursup : pourquoi un tel choc ?
Analyse. L’émotion des lycéens sans proposition de formation a été à la hauteur de l’attente suscitée par le gouvernement, attendu au tournant.
Le mal est fait. Refusés ou sur liste d’attente, la moitié des candidats à l’enseignement supérieur se sont retrouvés sans proposition de formation, le 22 mai, sur la nouvelle plate-forme Parcoursup. Une situation qui a provoqué une avalanche de réactions chez les lycéens.
Qu’importe si ce choc n’est que provisoire : des places se libèrent progressivement, comme ne cesse de le répéter le ministère. L’émotion est telle, dans les familles de lycéens sans rien, chez les enseignants confrontés parfois à des classes entièrement « en attente », démoralisées à quelques semaines du baccalauréat, qu’il est difficile de ne pas y voir un échec.
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Comment cette mise « en attente » pourtant prévisible de quelque 400 000 lycéens a-t-elle pu provoquer une telle déflagration ? A écouter les principaux intéressés, ils se sont sentis humiliés, blessés, découragés, en découvrant leurs résultats sur l’écran. Et cette violence psychologique suscitée par cette attente semble bien avoir été sous-estimée par le gouvernement.
Eléments de langage peu explicites
Les arguments techniques et rationnels du ministère, d’une machine vouée à distribuer les places tout au long de la procédure, n’y ont rien fait. Il faut dire que sa « pédagogie » sur la question est arrivée bien tard, avec des éléments de langage peu explicites.
Mais, s’il le fallait encore, cette crise révèle en creux l’extrême pression qui pèse sur ce moment d’orientation pour les lycéens. « Cela n’a fait que renforcer l’angoisse et le stress que fabrique déjà notre enseignement supérieur, constate le sociologue Camille Peugny. Nous sommes un pays qui fonctionne sur le diplôme, qui conditionne l’accès au marché du travail mais aussi une grande partie de la carrière future, ce que les familles ont bien intégré. »
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D’autant que, sur le plan politique, le gouvernement était attendu au tournant. Il a mené une réforme inédite bouleversant les règles à l’entrée de l’université, en moins d’un an. Le tout en promettant de mettre fin aux maux du système précédent, symbolisé par la plate-forme APB (Admission post-bac).
De plateaux télé en émissions de radio, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, n’a cessé de légitimer sa réforme par la nécessité impérieuse de supprimer l’algorithme d’APB, en faisant du problème du tirage au sort – qui a écarté moins de 1 % de candidats à l’entrée de la licence demandée en premier choix, en 2017 – un « scandale » public.
Effet boomerang
« Le gouvernement a tellement diabolisé APB qu’il était condamné à montrer que le nouveau système serait plus juste », relève Frédéric Sawicki, professeur en science politique à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. D’où un effet boomerang alors que l’amélioration reste pour l’instant loin d’être évidente. Le contexte d’opposition d’une partie des enseignants-chercheurs et des étudiants à cette réforme, dénoncée comme celle de la sélection à l’université, ne manque pas d’agir comme une caisse de résonance des critiques.
Une nouveauté technique a aussi provoqué un effet explosif : l’affichage des classements des lycéens sur chacune des formations qui les ont placés en liste d’attente. « Découvrir qu’on est 3 000e sur 3 000, c’est extrêmement violent, pointe Nicolas Charles, maître de conférences en sociologie à l’université de Bordeaux. On voit qu’on est dernier d’une liste et qu’on a été jugé. »
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Se connecter tous les matins sur Parcoursup pour scruter le nombre de places gagnées constitue un jeu pour le moins anxiogène et choquant, quand il s’agit de déterminer son avenir. Encore plus quand on sait que ce classement ne permet aucunement de déterminer ses chances d’avoir une place dans la formation. Ni celles de réussir sa première année de licence.
Le procédé jette surtout une lumière crue sur la mise en concurrence des lycéens, avec l’impression d’un système de sélection généralisée jusqu’aux portes des universités, qui, pour la première fois, ont classé tous les candidats. Des classements dénoncés par certains universitaires d’autant plus fortement que, dans une majorité de filières, ils ne devraient avoir aucune conséquence puisqu’il y aura assez de places pour accueillir tous ceux qui souhaitent y entrer.
Opacité et limites
Mais la machinerie Parcoursup apporte, comme prévu au départ, des réponses favorables aux « meilleurs » profils, classés en tête par la plupart des formations, les autres devant patienter le temps que les places se libèrent. « Dans la procédure elle-même, son autorité et sa technicité, il manque un respect fondamental de la liberté et du potentiel de chacun, qui se trouve ici réduit à son passé scolaire », estime la sociologue Cécile Van de Velde.
Si cette prime aux résultats scolaires aurait pu être mieux acceptée au pays du mérite républicain, il n’en a rien été pour nombre de lycéens, car elle n’a pas été ressentie comme telle. Preuve en est leur incompréhension face à l’arbitraire de leurs divers classements – du camarade de classe moins bon qui a pourtant un meilleur classement, à celui qui a obtenu une réponse favorable d’un établissement pour une licence, mais pas de tel autre, dans la même discipline.
Se connecter tous les matins sur Parcoursup pour scruter le nombre de places gagnées constitue un jeu pour le moins anxiogène et choquant, quand il s’agit de déterminer son avenir
Aucun système de sélection ne peut faire totalement consensus, mais la critique est d’autant plus forte que ce dernier n’a jamais été annoncé comme tel, pour ce qui est de l’université. Des algorithmes locaux, dont les lycéens n’ont pas connaissance, ont été concoctés en interne pour trier des masses de dossiers en quelques semaines. Bien loin d’apparaître comme le processus plus « humain » et plus « qualitatif » que promettait la ministre, il se révèle à l’épreuve du réel avant tout dans son opacité, et ses limites.« Les lycéens ont le sentiment qu’il s’agit d’une loterie, et ils ont raison, estime le professeur Frédéric Sawicki. Dans les filières en tension, par exemple en science politique à Paris-I, hiérarchiser 6 500 dossiers pour 65 places, en devant aller jusqu’à quatre chiffres après la virgule pour réussir à les départager, cela n’a aucun sens, forcément vous êtes injuste. » Une injustice, réelle ou ressentie, face à la froideur des listes d’attente, qui réclamera sans doute plus qu’un « exercice de pédagogie » du ministère.
Lien de l’article original : https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/28/parcoursup-pourquoi-un-tel-choc_5305731_3232.html
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Faut voir aussi sur quels critères se basent les différentes filières sélectives. Par exemple, maintenant les bacheliers doivent rédiger un CV en indiquant leur formation, jobs (o/), activités extra-scolaires et/ou scolaires à faire valoir. Ils ne doivent pas être nombreux à avoir un CV rempli et qui soit suffisamment intéressant pour devoir entrer en ligne de compte. Il me semble aussi que la réputation du lycée dont est issu l’élève entre aussi dans la sélection…ce qui est assez discriminant puisque sont favorisés les lycées à la meilleure réputation et au meilleur taux de réussite au bac.
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Eh ben, j’ai pas suivi toute l’histoire, mais en lisant cet article je comprend leur malaise oui >.> Etre dans le flou, c’est horrible, surtout pour quelque chose d’aussi important.
@egon a dit dans [Analyse] Parcoursup : Pourquoi un tel choc :
Il me semble aussi que la réputation du lycée dont est issu l’élève entre aussi dans la sélection…ce qui est assez discriminant puisque sont favorisés les lycées à la meilleure réputation et au meilleur taux de réussite au bac.
Ah bon ? C’est n’imp >.> Par exemple dans ma ville, il n’y avait qu’un seul lycée. Donc tous les élèves de la ville serait défavorisé juste pour ça ?
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@sylareen J’ai trouvé ça sur le premier lien sur lequel j’ai cliqué :
“Une majorité des lycéens d’Ile-de-France qui se rêvent en blouse blanche ont tenté leur chance à Paris-Descartes, star de la discipline. Pas question pour autant de les accueillir tous : « Ne serait-ce qu’en termes de mètres carrés, c’est impossible », tranche le président de la fac, Frédéric Dardel. Le classement, par les enseignants de médecine, était « presque fini » en fin de semaine. Leur sélection a pris en compte les notes mais aussi… le taux moyen de réussite au bac dans le lycée d’origine des candidats. Les jeunes issus de pépinières à élite qui caracolent à 100 % se verront ainsi gratifiés d’un bonus. Un critère très contesté tant il risque d’accentuer les inégalités sociales entre les étudiants. Frédéric Dardel s’en défend, assurant qu’il ne cherche qu’à « compenser le fait que les établissements ne notent pas tous avec la même exigence ». Preuve de sa bonne foi, ajoute- t-il, un coup de pouce sera aussi accordé aux élèves d’établissements défavorisés partenaires de l’université. Cette année, six lycées de la couronne parisienne sont concernés.”
(cf. Le Parisien)Donc, même si il n’y a qu’un lycée dans ta ville, ce qui joue c’est surtout sa place au niveau nationale, son taux de réussite.
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La meilleure analyse de Parcoursup. Et le pire, c’est que les premiers de cordée ne l’ont probablement même pas fait exprès. C’est juste comme ça qu’ils pensent…
Je pense qu’on a la la pire réforme de toute le macronisme.
Je sais que ça veut plus dire grand chose tant je dis ça souvent mais la vraiment réfléchissez y et c’est vrai, on a décroché la palme la.Nul doute que le traumatisme laissé à toute cette tranche d’age va laisser des traces indélébiles dans leur mental et aura forcément des répercussions sur le fonctionnement même de notre société si tous les jeunes sont maintenant amené à subir ce rituel d’humiliation à leur entrée dans l’age adulte.
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APB était pourri mais au moins tu marinais pas pendant des jours en attendant la MAJ quotidienne du site.
Franchement j’ai été à la fac sans savoir ce que je voulais faire, et je ne suis pas de ceux qui disent “j’en ai profité mais je ferme la porte derrière moi”. Surtout que dans ma fac la sélection avait lieu en deuxième année ça s’appelle l’écrémage (1 étudiant sur 5 passe en L2). Mais chacun doit pouvoir aller là où il veut. Et aussi on allait s’inscrire à l’ancienne dans l’étblissmeent de notre choix avec notre dossier papier en faisant la queue. Oui c’était chiant mais voilà on choisissait où on allait.
L’algorythme a été analysé et favorise les boursiers et les gens du secteur. Pour les filières sélectives il ne faut pas se leurrer il y avait déjà la pondération (Bons/mauvais) établissements. Ce qui est logique. J 'étais dans un bahut où avec une prof les 3 têtes de classe était les seuls à avoir la moyenne à ses éval de ouf, et c’était comme ça dans toute les matières. Dans d’autres établissements on a des moyennes de classes à 15/20, faut pas pousser non plus. Après c’est pas la faute des élèves qui sont surnotés mais de ceux qui notent…
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Ben APB t’avais tout de suite un voeux “plan B” d’accepté c’était quand même bien d’avoir tout de suite une perspective (qui pouvait changer si un voeux supérieur était ensuite accepté, mais au moins tu partais pas avec rien).
Et on te balançait pas ton classement, c’était oui ou non, t’étais pas l’impression d’être du bétail, condamné à attendre de voir ce que les premiers de cordée vont te laisser…
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Ça ressemble bien au nouveau monde macroniste, même si vu le timing c’était pê une réforme datant d’avant le messie ? (vraie question)
Sinon ça expliquerait aussi pourquoi ça marche aussi mal, puisque mis en application immédiate après décision, sans aucune transition ni contrôles préalables.
Curieusement on est plus soucieux de ne rien bâcler et de prendre son temps quand les réformes sont susceptibles de les bousculer eux (proportionnelle, moralisation de la vie politique etc.) -
@honey a dit dans [Analyse] Parcoursup : Pourquoi un tel choc :
Ça ressemble bien au nouveau monde macroniste, même si vu le timing c’était pê une réforme datant d’avant le messie ? (vraie question)
Non c’est du 100% messie.